Rencontre avec Cindy, égérie des maillots de bain Coco Frio

Bonjour Cindy ! Peux-tu dans un premier temps te présenter ?
Je m’appelle Cindy, j’ai 27 ans et je suis née en Côte d’Ivoire, à Abidjan. J’y ai grandi jusqu’à mes 16 ans, puis je suis venue m’installer en France, vers Bordeaux. Mon père est français donc je connaissais déjà bien la France, j’y venais régulièrement.
Comment as-tu commencé le mannequinat ?
J’ai commencé lorsque j’avais 22 ans, il y a six ans à peu près. C’est relativement tard, pour le milieu !
Je n’avais pas du tout prévu d’être mannequin. En fait, mon rêve à l’origine c’était d’être athlète de haut niveau. Quand j’étais jeune je faisais beaucoup d’athlétisme. Petite, à Abidjan, je gagnais tous les cross de l’école ! Arrivée en France j’ai continué. Je faisais du triple saut et je voulais vraiment exceller dans ce sport. J’ai participé aux championnats de France en cadette-junior, je m’investissais vraiment énormément, comme dans tout ce que j’entreprends et qui me plaît.
Ensuite, je me suis fait repérer à Bordeaux, où je vivais, par une ambassadrice de la marque l’Oréal qui m’a proposé de poser. J’ai eu de très bons retours une fois les photos sorties alors que je ne savais pas du tout ce que je faisais ! C’est drôle, quand je les revois aujourd’hui je trouve que ça se voit que je ne suis pas à l’aise dessus !
À 20 ans, je suis montée sur Paris et c’est là que j’ai eu plus d’opportunités. J’y ai pris goût au fur et à mesure. Quand j’ai commencé, je n’avais pas confiance en moi du tout et le mannequinat m’a beaucoup aidée à m’accepter. Le fait d’avoir de très bons retours après les shootings m’a confortée dans l’envie de suivre cette voie. Je faisais un BTS communication mais cela ne m’intéressait pas. Il est arrivé un moment où le mannequinat a pris le dessus sur tout, même sur le sport. Mon parcours n’a pas toujours été facile, bien sûr, mais je suis heureuse d’avoir persévéré.
Quelles ont été les difficultés dont tu parles ?
Au début de ma carrière c’était compliqué pour moi de trouver du travail car, pour le milieu, j’ai des formes. J’ai trop de hanches apparemment. Je faisais des castings pour les agences de haute couture et dès qu’on arrivait à la mesure des hanches, on me disait que ça n’allait pas être possible.
J’ai finalement trouvé une agence qui m’a représentée mais ils m’ont quand même demandé de voir une diététicienne et de suivre un programme nutritif. Heureusement, comme j’ai rapidement travaillé sans problèmes, ils m’ont vite laissé tranquille. Ils ont vu que ça marchait plutôt bien pour moi sans avoir besoin de perdre du poids.
C’est assez dingue de se dire qu’on te reprochait d’avoir « trop » de formes !
Oui ! Les débuts ont aussi été difficiles car on m’a refusé de certains projets en me disant que j’étais jolie mais qu’ils avaient atteint leur quota de femmes noires. Comme si je ressemblais à toutes les métisses ou les femmes noires de l’agence ! En parlant avec les autres mannequins, je me suis vite rendue compte que c’était pareil pour tout le monde.
Au lieu de me démotiver, ce type de remarques m’a donné de la force et de l’énergie. J’ai créé une association, AYIKA’A, pour promouvoir la beauté et la diversité des femmes noires et métisses. Cette association est vraiment née de cette fameuse phrase qu’on m’avait dit concernant les quotas. J’ai notamment fait un projet photo pour lequel j’ai sélectionné des portraits d’une vingtaine de filles noires, dans le but de montrer à quel point on était différentes.
Les stéréotypes sur les femmes métisses ou noires sont très présents dans le milieu de la mode, il y a beaucoup de clichés. Par exemple, en ce moment, les modèles noires qu’on met beaucoup en avant sont les femmes avec les cheveux très courts. Elles sont sublimes, mais nous ne sommes pas toutes comme ça ! C’est compliqué car dans un premier temps, on nous impose des quotas en tant que femmes noires, et en plus il faut correspondre aux clichés qu’on projette sur nous.
Et tout cela ne t’a pas donné des complexes ?
Je n’ai jamais été vraiment très complexée. C’est sûr qu’au début, à force d’entendre que j’avais trop de formes, j’ai commencé à être un peu complexée par mes cuisses que je trouvais trop musclées et par mes hanches. Au début j’ai quand même essayé de faire le régime qui m’avait été imposé par l’agence et puis j’ai arrêté. Je me suis fait une raison : c’est ma morphologie, je suis une personnes sportive donc musclée, et c’est tout !
Mais c’est vrai que j’ai eu un peu la haine contre la France. Si bien que je suis partie vivre aux États-Unis, à New York, en 2018. Finalement, j’ai été déçue aussi. J’ai globalement entendu les mêmes remarques. Le problème, c’est qu’en tant que métisse, j’étais dans une sorte d’entre deux, et c’est dur de ne pas correspondre à une étiquette. Il faut que tu sois soit « plus size », soit noire, soit blanche… Je fantasmais un peu sur la prétendue diversité américaine mais finalement je n’ai pas trop aimé le style de vie. Je me suis rendue compte que je n’étais pas plus mal en France.
C’est une bonne chose car je me suis dit que je pouvais peut-être plutôt essayer de faire changer les mentalités ici.
Quels sont tes projets désormais ?
J’aimerais beaucoup travailler dans la haute couture ou des marques de beauté par exemple, c’est dur de faire bouger les mentalités mais je ne lâche rien.
J’aimerais aussi beaucoup m’investir et relancer mon association AYIKA’A qui pour l’instant est un peu à l’arrêt.
Quelle est la signification d’AYIKA’A ?
C’est un mot d’un dialecte nigérien, le Yoruba. Il se traduit par la sphère ou l’environnement. Avec ma co-fondatrice on a ajouté le ‘A qui fait référence au milieu artistique. À l’origine, cette association a été créée en étant axée sur le mannequinat mais nous nous sommes rendues compte que les thématiques parlaient à tout le monde et pas seulement les mannequins.
Le but, c’est donc de combattre les clichés sur les femmes noires et métisses ?
Tout à fait. De mon côté je souffre par exemple de clichés à cause de mon accent. On me l’a déjà reproché, en disant qu’on ne s’attendait pas à ce que je parle de cette manière. C’est vraiment dommage ces stéréotypes. Mon accent, c’est juste mon vécu. Bref, à travers l’association j’ai envie d’aborder de nombreux sujets, plus sociaux. Pas seulement le milieu de la mode.
Est ce que tu te sens concernée par le féminisme intersectionnel et l’afro-féminisme par exemple ?
Oui plutôt. On a interviewé Amandine Gay (qui est, entre autres, la réalisatrice d’Ouvrir la voix) pour AYIKA’A. Je l’aime beaucoup car je trouve qu’elle n’est pas dans l’extrême et ce qu’on cherche avec l’association, c’est avant tout à réunir.
Avec un père français et une mère ivoirienne, j’ai vraiment grandi avec la double culture : plat français, plat ivoirien, école française en Côte d’Ivoire… En Afrique, je suis la blanche, en France je suis la noire.
Beaucoup ne comprennent pas pourquoi je revendique ce métissage. Quant tu oses le mettre en avant et réunir tes deux cultures, c’est compliqué. En Afrique par exemple, c’est considéré comme de l’arrogance.
Qu’est ce qui te donne de la force au quotidien ?
Personnellement c’est ma foi. Je suis chrétienne, je crois en Jésus et cela m’a beaucoup aidé à traverser des épreuves vraiment pas faciles. Cela dit, dans cet aspect de ma vie aussi je fais la différence ! Dans le monde religieux ils ne comprennent pas trop que je sois mannequin. Dans le mannequinat, ça surprend mais je n’ai pas trop de problèmes. Je montre qu’on peut être chrétienne et mannequin, tout en suivant mes valeurs.
Ma foi, je la vis comme du développement personnel, je suis la parole de ce qui m’inspire.
Tu as des modèles ou des personnes qui t’inspirent ?
J’ai beaucoup de modèles ! Dans la foi notamment. Des femmes très chrétiennes comme moi, mais qui montrent que la foi peut se combiner avec beaucoup d’autres choses. Il y a notamment une pasteure que j’aime beaucoup, on la surnomme Maman Funké. Elle est très ouverte d’esprit, elle met en avant le fait qu’on peut être chrétienne et faire ce que l’on veut, que ce sont nos valeurs qui nous permettent de nous positionner. Elle m’a beaucoup aidée dans mon questionnement.
J’aime aussi beaucoup Joyce Meyer qui a une vie et un parcours complètement incroyables. Elle a vécu une enfance très dure et elle s’en est sortie. Aujourd’hui, elle a une audience impressionnante.
Sinon, j’adore aussi Michelle Obama et Lupita N’yongo qui ont vraiment marqué ces dernières années de leur empreinte, ce que je trouve super !
Propos recueillis par Alizée Brimont.

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Vous pouvez lire l’interview des autres égéries Coco Frio, Marion et Ornella, en cliquant ici et ici.